Imaginez…
Un monde qui se résume à l’Amérique du Nord.
« Tout ce qu’on nous a appris en matière de géographie, c’est que le monde comprenait cinq continents et de nombreux pays, mais qu’un troisième guerre mondiale a tout dévasté hormis l’Amérique du Nord, continent le plus avancé du point de vue technologique. Les dégâts furent si catastrophiques qu’il ne reste du monde qu’un immense océan parsemé d’îlots inhabitables, si petits qu’on les voit à peine depuis l’espace ».
Imaginez…
Un monde où les hommes meurent à 25 ans et les femmes à 20 ans.
« Il y a soixante-dix ans, la science a perfectionné l’art de faire des enfants. Des traitements complets ont permis d’enrayer une épidémie connue sous le nom de cancer (…). La conception d’embryons au code génétique parfait donna naissance à une génération saine, vouée au succès. La plupart de ses membres sont toujours en vie. Ils sont de la première génération sans peur, pratiquement immortelle.
Personne n’aurait pu anticiper l’hécatombe épouvantable engendrée par cette population pourtant si robuste. (..) Quelque chose a mal tourné chez les enfants de cette génération.
A la naissance, nous autres, des générations successives, sommes sains et vigoureux mais notre espérance de vie est de 25 ans pour les garçons et 20 ans pour les filles.
Depuis un demi-siècle, l’humanité voit mourir ses enfants. Mais les familles les plus fortunées refusent d’accepter la défaite. Les Ramasseurs gagnent leur vie en enlevant des épouses potentielles, qu’ils vendent (à ces familles riches) afin qu’elles engendrent une nouvelle générations. Les bébés issus de ces mariages sont des sujets d’expérimentation. »
C’est dans ce monde et dans ce contexte que Rhine, notre héroïne, se fait enlever.
A destination, elle est choisie, avec deux autres filles, qui seront ses sœurs épouses, pour épouser Linden dont la première épouse, Rose, est en train de succomber au virus.
Rhine, tout comme ses sœurs épouses, Cecily et Jenna, va être mariée à Linden qui a 21 ans et à qui il reste 4 ans à vivre.
Il s'attarde un instant puis se tourne vers la troisième épouse.
- Jenna Ashby, dit-il à l'autre fille. Ma femme.
L'homme en blanc déclare alors :
- Ce que le destin a réuni, rien ni personne ne pourra le séparer.
Le destin, pensé-je, est un voleur.
Cecily est la plus jeune. Venant d’un orphelinat elle est heureuse d’être là, dans cette maison immense, avec des domestiques, de belles robes, un mari riche, et son jardin qui s’étend à perte de vue. C’est une petite peste au départ, qui va être forcée de grandir, un peu trop vite…
Jenna à 19 ans n’attend plus rien de la vie, elle est malheureuse et elle regarde de loin ce monde dans lequel elle est forcée de vivre sa dernière année. Monde pour lequel elle n’affiche que mépris.
Rhine, quant à elle, déteste son mari. Il l'a séparée de son frère jumeau Rowan, et lui ôte tout espoir de liberté. Elle a un but : s’évader, retrouver son frère, sa vie. S’enfuir de cet endroit, quitter ce mari et ce beau père, Vaugh, un scientifique si effrayant.
Il n’y a pas beaucoup d’actions dans ce livre qui jalonne les bases.
On suit les réflexions de Rhine, sa volonté de partir, de s’évader. On la voit, petit à petit, s’attacher à ses sœurs épouses et à un des domestiques, différent des autres, Gabriel.
L’atmosphère décrite par De Stefano fait que l’on se sent, tout comme Rhine, rapidement oppressé, capturé. Nous aussi on veut pouvoir respirer normalement, s’évader, retrouver la liberté.
Je retrouve Jenna dans la bibliothèque et lui demande d'ouvrir l'oeil.
- Amuse-toi bien, d'accord ? Et dis "bonjour" de ma part à la liberté.
- Sans faute, si je l'aperçois.
Et puis, petit à petit, avec peut-être un vision d’avance sur Rhine, on s’attache à l’endroit, on se demande si il ne vaudrait pas mieux faire fi de certaines découvertes et rester ici, en sécurité, à l’abri du besoin. Et celui qui inspire tant de haine à Rhine, Linden, trouve notre compassion.
On perçoit sa naïveté, sa gentillesse, sa bonté et son amour.
On est partagé, comme Rhine, entre ce qu’il montre, et l’homme qui a fait kidnapper des femmes dans le seul but de les enfanter.
Ce que l’auteur retrace bien donc, c’est toute l’atmosphère et toute l’évolution du comportement et de la façon de penser de Rhine en un an…
Lauren De Stefano a réussi à me surprendre, en arrivant à instaurer le doute en nous comme dans l’esprit de Rhine. S’enfuir ? Ou rester ?
Ainsi, le décor est planté, on cible le méchant de l’histoire, on s’attache à des personnes, on soutient Rhine dans ses décisions, mais on n’en apprend malheureusement pas plus sur le virus et le monde extérieur.
On se doute que le beau-père, Vaugh, va continuer à jouer un rôle important, on pressent certaines choses, mais rien n’arrive concrètement dans ce tome…
Un manque d’actions qui ne nous empêche pourtant pas de tourner les pages à toute allure et de suivre avec plaisir notre héroïne et ses sœurs épouses.
Un manque d’actions qui ne nous empêche pas de ressentir beaucoup d’émotions: de la peur, de la détresse, de l’angoisse, de l’espoir…
L’histoire d’amour (ou triangle amoureux ?) quant à elle n’est pas mise en avant dans ce début de série, ce que j’ai beaucoup apprécié car ce n’est pas ce qui est important dans l’histoire.
Enfin, je finirai sur un aspect qui m’a un peu gêné, à savoir le manque de détails du monde extérieur et du virus.
J’ai lu dans la critique d’une fille certaines questions auxquelles j’avais pensé et qui je trouve méritent d’être posées : Comment un virus peut-il être si parfaitement lié à un âge ? Comment un seul pays (vu que les autres n’existent plus) peut-il survivre et fournir les ressources nécessaires à la survie alors que ses habitants meurent si jeunes ? Comment ont-ils le temps pour former les enfants à l’agriculture, à la construction de bâtiments, à la manufacture, à la science…
Autant d’éléments que j’aurais peut-être aimé découvrir d’avantage, pour mieux me situer dans ce monde.
Mais, je me répète, ces questions ne m’ont pas empêché d’apprécier ce premier tome et de vouloir connaître la suite.
Car c’est en moins de deux jours que j’ai dévoré ce livre auquel j’ai continué de penser bien après l’avoir refermé.
Ce sont des dizaines de mails échangés pour parler de ma frustration face à certains comportements de Rhine, face à son silence et ses doutes.Ce sont des dizaines de questions que l’on se pose à la fin du livre quant à l’évolution que va bien pouvoir donner l’auteure à son héroïne et à ce monde en chaos.
Un très bon premier tome, bien construit, avec une très belle écriture, des personnages ambigus et attachants, avec des non-dits très frustrants. Un premier tome que je ne peux que vous conseiller !
Pour ma part, je continue de me poser des questions et j’attends le prochain tome en me demandant surtout comment l’auteure va arriver à élucider la question du virus à laquelle je ne vois aucune solution.
Les avis très positifs de Clarabel et Silverlining et celui, un peu plus mitigé de Melisende.