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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 08:00

 

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Aujourd’hui ça fait 300 ans que je suis transformé en statue.
Quand je vois tous ces gens qui me regardent avec émerveillement sans savoir qui je suis, j’éprouve une fois de plus une grande lassitude.

Parmi ces ruines grecques, ils m’imaginent tantôt empereur, tantôt conquérant, mais toujours un passé glorieux. Ils pensent que cette statue a été créée par je ne sais quel despote narcissique qui voulait s’admirer à loisir. Quelle ironie.

Je les sens plus que je ne les vois s’extasier devant ma beauté, devant mon nez droit sans défaut, mon profil royal, mes muscles saillants et mes cheveux épais…

Certaines femmes reluquent mon sexe plus de temps que nécessaire. Je les comprends. Il est impressionnant et je dis ça sans arrogance. C’est un fait. Je les entends glousser et se demander si j’étais un bon amant !

Bon amant ? Quel euphémisme ! Si elles savaient... J’étais le meilleur. Le plus beau, le plus fougueux, le plus intrépide des amants. Toutes les femmes voulaient savoir si j’étais à la hauteur de ma réputation, chacune espérait qu’elle serait celle qui ferait battre mon cœur, celle qui éclipserait toutes les autres.
Quelles sottes. Les femmes n’ont pas changé. Je le vois dans les yeux de celles qui me contemplent. Toujours à vouloir ce qui leur est inaccessible.

Oui, la gloire je l’ai eu. Mais pas grâce à un statut royal ou des trophées de guerre.
La gloire, c’était ma réputation, c’était ces centaines de femmes comblées que je laissais sur leur lit, alanguies et rêveuses après leur avoir donné le plus grand plaisir qu’elles aient connu. Je les laissais là sachant que le soir même, quand elles partageraient le lit de leur mari, c’est à moi qu’elles penseraient, se demandant si j’avais été réel, si elles n’avaient pas tout imaginé mais essayant déjà de trouver n’importe quel moyen de me revoir.
Mais elles savaient au fond d'elles que c’était peine perdue. Jamais je ne prenais deux fois la même femme, et je me souvenais de l’odeur, du goût et du physique de chacune d’elles. Elles pouvaient changer de couleur de cheveux ou d’habits autant qu’elles le souhaitaient, je les reconnaissais toujours.
Jamais je n’ai voulu revoir une seule de ces femmes. Sauf une. La dernière. L’erreur.
La seule femme que j’ai voulu revoir s’est trouvée être l’unique qui n’en avait pas envie. Quelle ironie.

Elle était la seule qui n’ait pas eu de plaisir et elle constituait un défi pour moi. Je me disais qu’elle avait eu trop mal pour sa première fois, pour vraiment prendre du plaisir. Quel orgueil ! Il m’était impossible d’accepter que j’avais laissé une femme insatisfaite. Il fallait que je la revoie, que je lui donne du plaisir, qu’elle hurle mon nom, me griffe le dos et tombe amoureuse de moi. Comme les autres.
Je me souviens d’elle comme si c’était hier et non il y a 3 siècles.
Je revois sa beauté, ses cheveux noirs qui cascadaient en boucles sur ses épaules, sa peau si blanche et si pure, sans défauts, ses yeux si sombres que l’on avait du mal à en distinguer les pupilles. Et cet éclat d’intelligence que j’y avais décelé… Si j’avais su…

Mais je ne savais pas non.

A quoi bon me mentir maintenant ? Cela fait si longtemps. Si j’ai voulu la revoir c’est que déjà je l’aimais, et pas seulement car je la prenais comme un défi. Après une nuit dans ses bras, j’étais devenu comme toutes ces femmes que je méprisais pour leurs obsessions et leurs supplications. Après une nuit, je n’avais plus qu’une pensée en tête. Elle. Et la revoir.  
Ah ça, pour la revoir, je l’ai revue. Je me suis rabaissé. Je l’ai supplié. Comme toutes ces femmes que j’avais si longtemps méprisées.
Puis je l’ai aperçu, cette lueur dans ses yeux que je pensais être de l’intelligence mais qui n’était en fait que du mépris. Je l’ai vu, je l’ai reconnu et je n’ai pas pu l’accepter. Personne ne pouvait me regarder comme ça, comme si je ne valais rien et que j’étais dénué de fierté. Oh non, je n’avais pas enfin accordé mon cœur à quelqu’un pour qu’il le piétine.
Et si je devais vivre sans elle, alors elle ne vivrait tout simplement pas. Alors je l’ai tué. Malheureusement, pas assez vite.
Pas avant qu’elle ne récite une prière silencieuse entre ses lèvres et que je me retrouve transformé en statue.


Merci encore à Leiloona de nous proposer ses ateliers d'écriture.

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commentaires

C
Pas de fruits utilisés de façon originale ou d'yeux à la couleur improbable ? Désolée, mais non, tu ne lis pas ASSEZ de romances ! XDDDD<br /> <br /> Plus sérieusement, j'aime beaucoup l'histoire que tu as imaginée !
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L
Bien aimé le rythme de ton texte avec cet arroseur arrosé ... :)
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M
Si c'est pour écrire d'aussi jolis textes, tu es autorisée à lire toutes les romances que tu voudras.<br /> J'aime beaucoup sauf un mot qui me gêne et je ne sais pas pourquoi alors…<br /> Merci pour ce partage :)
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C
Très bon ton texte, j'aime beaucoup!
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Y
J'aime beaucoup le sort que tu as réservé à ce Don Juan prétentieux ;-) C'est drôle et très bien mené !
Répondre

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