Imaginez un monde dévasté par une épidémie.
D’un côté les Morts : des zombies qui se nourrissent d’humains.
De l’autre, une minorité : les Vivants, les humains, qui essayent de survivre en se cachant et en apprenant à se battre et à tuer les Morts.
R fait partie de la première catégorie. C’est un Zombie qui vit parmi les siens dans un ancien aéroport. Il ne se souvient plus de son ancienne vie, il ne sait plus vraiment parler, il ne ressent plus d’émotions. Et surtout il mange les Vivants. Enfin plus spécifiquement, il mange les cerveaux des humains.
Mais R est un peu différent de ses congénères, il vit seul dans son 747 où il entasse des objets trouvés chez les Vivants et où il écoute de la musique. Mais plus que ça, R réfléchit. Il se pose des questions et ne se contente pas d’être juste un Zombie.
Je veux changer ma ponctuation. Je rêve des points d’exclamations, mais me noie dans des ellipses.
Alors, le jour où il part chasser des humains et qu’il décide d’épargner Julie, la petite amie de sa dernière victime, tout bascule.
Les Zombies n’ont pas d’états d’âme alors pourquoi avoir sauvé Julie ? Pourquoi se mettre à dos les Morts pour garder en vie une Vivante ? R caresserait-il le rêve – impossible - d’être à nouveau Vivant ? De vivre, respirer et ressentir à nouveau ?
Je soupire. Ces questions horribles finissent par m’épuiser, mais qui a dit que les monstres avaient droit à une vie privée ?
Avant tout, il faut que vous sachiez que je ne suis pas du tout du tout attirée par les livres de zombies. D’ailleurs je n’ai jamais lu « la forêt des damnés » que tout le monde a pourtant adoré.
Parce que vous comprenez, les zombies, ça ne risque pas de donner des papillons dans le ventre, et ça risque encore moins de me faire rêver (comprenez : fantasmer).
Alors, quand Mlle Pointillés m’a offert Vivants lors d’un SWAP, j’ai tout d’abord été sceptique. Et puis, je me suis laissée convaincre par tous les avis positifs lus ici et là et je l’ai ouvert.
Et j’ai bien fait !
Alors certes, au début, certaines descriptions sont très gores, et quelques scènes sont vraiment glauques. Isaac Marion ne prend pas de gants pour nous décrire la vie et les habitudes des zombies. C’est cru. Et ça dérange, forcément.
Mais on se rend compte assez rapidement que l’écriture est très belle, très poétique. Alors on continue…
Et finalement on apprend à connaitre R, le narrateur.
Et ce qu’on découvre de lui nous plait. En effet, comment ne pas s’attacher à ce personnage, vivant parmi les morts ?
J’agite la photo dans ma main. Une image commence à prendre forme. C’est moi, R, le cadavre qui croit être vivant, qui me dévisage avec ses grands yeux gris.
Comment ne pas sourire à certaines de ses réflexions et à son autodérision ? Comment ne pas être touchée par sa relation avec Julie ?
Car, tout comme lui, on s’attache à cette fille sensible qui paraît insouciante et qui incarne la joie de vivre dans un monde à l’abandon où la Peur règne en maitresse absolue ?
- Alors c’est quoi, le futur ? Je demande. Le passé et le présent sont clairs pour moi, mais que réserve le futur ?
- Eh bien…, dit-elle, avec un rire un peu forcé. C’est là que ça devient délicat. Le passé est constitué de faits et d’histoire… Je suppose que le futur repose sur l’espoir.
- Ou la peur.
- Non. (Elle secoue la tête avec fermeté et plante la feuille dans mes cheveux.) L’espoir.
Alors, oui, on peut se dire, à raison, qu’une romance entre un Zombie et une Humaine, c’est un peu utopique et pas très réaliste…
J’aimerais que Julie puisse entrer dans mon cerveau, parce qu’il y fait chaud, que c’est un endroit paisible et merveilleux et que nous n’y sommes plus une juxtaposition absurde : nous sommes parfaits.
Mais finalement ce n’est pas vraiment la romance qui compte (même si on finit par y croire) et ce n’est d’ailleurs pas ce que je retiendrai de ce livre.
Car si je vous ai parlé de l’écriture qui est très belle, il faut aussi que je mentionne qu’Isaac Marion fait également passer quelques messages qui font réfléchir. Sur nous, sur l’humanité, sur la vie. Pour ma part c’est plutôt ça qui m’a touché.
Ainsi, si il est vrai que ce livre n’est pas un coup de cœur, (je trouve la fin un peu rapide et, si je me suis attachée à R, je ne suis toujours pas fan des Zombies), je retiendrai tout de même son écriture poétique, son humour et ses phrases touchantes qui font réfléchir et que l’on a envie de noter et de retenir.
- On devrait toujours prendre des photos, même si on n’a pas d’appareil, au moins avec son esprit. Les souvenirs qu’on se fait soi-même, volontairement, sont toujours plus vifs que ceux qu’on enregistre par accident. (elle prend la pose et sourit). Ouistiti !
Vivants - Isaac Marion
Editeur : Bragelonne, 318 pages
Titre Original : Warm Bodies